Ce nouveau délai laisse penser que les rebelles n’ont pas l’intention de quitter la ville qu’ils ont prise la semaine dernière, donnant de la crédibilité à un rapport d’experts de l’ONU qui affirme que le Rwanda se sert des rebelles comme intermédiaires pour s’emparer des richesses minières de l’est du Congo.
Un porte-parole du M23 a déclaré vendredi que pour des « raisons logistiques », les rebelles avaient besoin de 48 heu- res de plus pour compléter leur retrait. Il a promis que ses hommes quitteraient Goma d’ici dimanche.
Plus tard vendredi, des rebelles ont tenté de s’approcher de l’aéroport international de Goma pour s’emparer des armes appartenant à l’armée congolaise. Même si la ville est tombée aux mains du M23 la semaine dernière, les cas-ques bleus de l’ONU ont repris le contrôle de l’aéroport et ont empêché les rebelles de s’en approcher vendredi.
« Les casques bleus nous bloquent. Ils ne nous laissent pas nous organiser sur le plan logistique et nous laisser accéder à nos armes à l’aéroport. Cela pourrait tout changer. Nous ne partirons pas tant que cette question ne sera pas résolue », a déclaré un responsable du M23, le colonel Sultani Makenga.
Une organisation régionale qui regroupe les pays voisins du Congo avait exigé que les rebelles quittent la ville d’ici vendredi. Le M23 avait déjà ignoré un précédent ultimatum plus tôt cette semaine.
« Nous ne les empêchons pas de quitter Goma, ce n’est absolument pas vrai », a déclaré un porte-parole de la mission de l’ONU au Congo, Madnodje Moumoubai. « Ils veulent accéder aux armes que l’armée congolaise a stockées à l’aéroport. C’est une chose que nous ne permettrons pas. »
Les hommes du M23 sont issus du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP), signataire des accords de paix de 2009 qui prévoyaient leur intégration à l’armée mais aussi à la vie politique des Kivu. Ils estiment que les promesses - en terme de grade, répartition de territoire… - n’ont pas été tenues.
Depuis la fin de la dernière guerre (1998-2003), la vie de la région est rythmée par les milices et autres groupes armés qui commettent des exactions contre les civils. La rébellion du CNDP de Laurent Nkunda avait marché sur Goma, mais s’était arrêté à ses portes.
Qu’est-ce-qui, le 20 novembre, a poussé les mutins à franchir le pas ? Certains analystes avancent des négociations impossibles avec le régime de Kinshasa, une armée régulière qui commençait à se renforcer, une rupture de l’équilibre entre prédateurs pour le contrôle du territoire et de ses mines.
La prise de cette ville clé de l’est a mis sous forte pression le président Joseph Kabila, déjà, de l’avis de beaucoup, affaibli, et de délicates négociations, sur une série de revendications militaires et politiques devraient désormais s’ouvrir entre Kinshasa et le M23.
L’ingérence rwandaise
Le Rwanda est aujourd’hui accusé de soutenir le M23, ce qu’il dément. Depuis une vingtaine d’années, Kigali et Kinshasa entretiennent des relations enflammées, qui ont déjà débouché sur deux guerres régionales.
Dès 1996, deux ans après la fin du génocide des Tutsi du Rwanda, Kigali lance son armée dans l’est, à la poursuite de proches de l’ancien pouvoir hutu partis s’y réfugier. L’armée rwandaise soutient efficacement le rebelle Laurent-Désiré Kabila, père de l’actuel président, et lui permet de prendre Kinshasa.
Aujourd’hui encore, Kigali dénonce la menace que représente la présence de rebelles hutu, génocidaires présumés, dans l’est.
Pour beaucoup, l’instabilité de la province relève ainsi largement d’une guerre économique, les voisins de la RDC - Rwanda mais aussi Ouganda, également accusé par l’ONU de soutenir les rebelles - puisant dans les larges réserves de cassitérite, or et autre coltan.
« Il n’y aura pas de paix au Congo tant que [certains] pourront tirer d’immenses bénéfices de l’extraction de minerais et d’autres ressources, avec la connivence des gouvernements régionaux », résumait vendredi dans une chronique au New York Times John Prendergast, co-fondateur de l’ONG américaine Enough project, spécialisée dans la dénonciation des crimes contre l'humanité.