New York (Nations unies), correspondante. Fillettes de 6 ans violées, civils arbitrairement exécutés, adolescents enrôlés de force comme soldats. Les graves violations des droits de l'homme perpétrées en novembre et décembre 2012 par l'armée de la République démocratique du Congo (RDC) et les rebelles du M23, selon un nouveau rapport des Nations unies (pdf) publié mercredi 8 mai, ne font pas que "s'apparenter" à des crimes contre l'humanité.
Le document de 17 pages est le fruit d'une longue enquête, lors de laquelle 350 témoins et victimes ont été entendus. Les faits se sont produits avant, pendant et après la chute de Goma aux mains du M23, tombée sous le regard impuissant des casques bleus de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (Monusco), et alors que les Forces armées de RDC (FARDC) battaient en retraite.
Selon l'ONU, les soldats congolais ont violé deux jours durant au moins 97 femmes et 33 filles à Minova, dans le Sud-Kivu. Les exactions ont été menées "de manière systématique et avec une extrême violence", soulignent les enquêteurs du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme en RDC. Les militaires "entraient dans les maisons, généralement par groupes de 3 à 6, et après avoir menacé les habitants, pillaient ce qu'ils trouvaient".
Un casque bleu, à un check-point de l'ONU dans l'est de la RDC, le 1er mai. | REUTERS/STAFF
Après le pillage, le même scénario se répétait, poursuit le rapport, "un ou deux soldats repartait avec les biens pillés, et au moins un autre montait la garde pendant que les soldats restants violaient les femmes et les filles de la maison (...), la plupart des victimes ont été violées par plus d'un soldat". "Les violences sexuelles décrites dans le présent rapport sont particulièrement effroyables, tant par leur ampleur que par leur caractère systématique", a réagi la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, avant d'affirmer que "les auteurs de ces crimes doivent savoir qu'ils seront poursuivis".
VIOLS, MEURTRE, ESCLAVAGE, ENFANTS SOLDATS
La mise en garde s'adresse aux deux camps. Selon les enquêteurs, les rebelles du M23 sont responsables d'au moins 11 exécutions arbitraires et de 59 cas de violences sexuelles, commises alors qu'ils occupaient les villes de Goma et de Saké, au Nord-Kivu. Parmi les victimes, de nombreuses femmes de soldats congolais en fuite, ont été violées. La rébellion a aussi enrôlé de force 24 enfants soldats et des adultes, traités comme des esclaves.
Selon les critères de la Cour pénale internationale, ces exactions peuvent "constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité", affirment les enquêteurs de l'ONU. Après l'ouverture d'une enquête judiciaire en décembre 2012, 11 soldats congolais ont été arrêtés, dont deux pour meurtre, mais un seul pour deux viols. Kinshasa a depuis suspendu 12 officiers supérieurs, à la demande pressante de la Monusco.
Ces gradés, qui ont été mis à la disposition des autorités judiciaires militaires, appartenaient à deux des bataillons de l'armée soutenus militairement par les casques bleus, comme le réclame leur mandat. L'un d'entre eux, le 391e bataillon, avait même été formé par les Etats-Unis en 2010 pour devenir "un modèle de réforme à venir des FARDC", relève sur son site Internet le Commandement américain pour l'Afrique (Africom).L'arrestation des présumés coupables du M23, qui a établi une administration parallèle dans l'Est du pays, s'annonce plus difficile.
La sortie de ce rapport intervient alors que l'ONU doit déployer début juillet dans la région une brigade d'intervention rapide de 3 000 hommes, censée "neutraliser" la trentaine de groupes armés opérant en RDC, M23 en tête.