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Titre du blog : CONGO- INFO FLASH - EXPRESS
Auteur : DIVANGUES
Date de création : 07-10-2008
 
posté le 20-05-2013 à 18:10:03

LE NOUVEAU GOUVENEUR DE LA BANQUE CENTRALE CONGOLAISE.

Succession politico-tribale à la Banque centrale du Congo

 

Déogracias Mutombo Mwana Nyembo, le tout nouveau gouverneur de la Banque centrale du Congo

C’est un Mulubakat (Muluba du Nord Katanga) nommé Déogracias Mutombo Mwana Nyembo qui est désigné par «Joseph Kabila» pour succéder à Jean-Claude Masangu Mulongo, un autre Mulubakat. Inconnu du grand public jusqu’à sa nomination, le nouveau «Gouv» est «salué» par un seul mot : «Favoritisme». Au motif que ce sont ses origines - et non pas ses compétences éprouvées à l’issu d’une «sélection» - qui l’ont propulsé à ce poste de premier plan. Le pacte secret conclu entre «Joseph Kabila» et la communauté des Baluba du Nord Katanga vient une fois de plus démontrer son "efficacité". Notons que le gouvernement Matata compte 8 ministres natifs du Katanga sur 36. Et ce au mépris de la "représentativité nationale". Quid de la cohésion nationale?

Dans ce Congo-Zaïre où la nomination à un poste en vue est accueillie, à tort, par les parents et amis de «l’élu», comme un privilège et non comme un service à rendre à la collectivité, c’est par des «youyous» que des «mamans» de la BCC ont accueilli la nomination de Déogracias Mutombo Mwana Nyembo au poste de gouverneur de la Banque centrale du Congo. C’était le mardi 14 mai. A en croire des témoins, le cérémonial n’avait rien à envier à l’entrée de Jésus Christ à Jérusalem. Des pagnes furent déployés sous les pieds du nouveau patron de la BCC.

Lors de la cérémonie de remise-reprise, le gouverneur entrant et le sortant ont rivalisé en «compliments» et autres assauts de civilité. S’adressant à son prédécesseur, Mutombo a déclaré notamment qu’il entend recourir aux «services» de celui-ci «où qu’il soit». Jean Claude Masangu a souhaité «bonne chance» à son successeur en le prévenant que la réussite de son mandat dépendra de sa «détermination, et du degré d’indépendance» dont il fera preuve. «Je reste à votre entière disposition comme l’ont été mes prédécesseurs » dira, en conclusion, le désormais ancien gouverneur de la BCC. Conformément aux dispositions légales, ce dernier a droit à une année de l’intégralité de son traitement sauf s’il obtient une nouvelle nomination dans la fonction publique. Masangu peut donc voir venir au cours des douze prochains mois. Exit donc JC Masangu dont le mandat a été le plus long (16 ans) dans l’histoire de cette institution.

Qui est Déogracias Mutombo Mwana Nyembo ?

«C’est assez symptomatique de constater en ce troisième millénaire, que le Congo démocratique fasse appel à un simple licencié en sciences économiques pour occuper un poste aussi névralgique, commente un analyste financier joint au téléphone à Kinshasa. Aujourd’hui, le patron d’une banque nationale doit être au minimum titulaire d’un doctorat en économie avec une spécialisation en matière monétaire et auteur de plusieurs publications». Né en 1964 à Kongolo, province du Katanga, Mutombo Mwana Nyembo est détenteur d’une licence en «économie pure» de l’Université de Kinshasa. C’est en 1991 qu’il entame sa carrière professionnelle à la Banque centrale du Congo au poste de chef de bureau à la direction de change. Il exercera par la suite les fonctions suivantes : chef de bureau principal, directeur adjoint chargé des opérations de change, chef de service adjoint et chef de service. Deux ans plus tard, il devient le responsable adjoint de la direction de la comptabilité. En 2008, Deogratias Mutombo est nommé responsable de la direction du "service étranger". C’est depuis septembre 2012 qu’il occupe le poste de directeur des opérations bancaires et des marchés. Poste qui lui a servi de tremplin pour devenir le «boss».

Quelles sont ses «forces» ?

«Sa force tient uniquement à ses origines katangaises», lance, sur un ton cruel, un ancien haut fonctionnaire de la BCC. Selon des sources, le «parrain» du nouveau gouverneur ne serait autre que l’ancien gouverneur de la Banque du Zaïre (BCC), l’imposant Jean Gualbert Nyembo Shabani, un notable lubakat. Pour notre interlocuteur, cette nomination est purement «politico-tribale». Et d’ajouter : «Le favoritisme est devenu un véritable cancer non seulement pour le Congo tout entier mais aussi pour la BCC».

Selon d’autres sources proches de la BCC, il semble bien que Mutombo n’était nullement «en ordre utile» pour succéder à Masangu. Au-dessus de lui, il y avait des personnalités de loin plus «gradées». «Dans l’organigramme de la Banque centrale du Congo, commente un fonctionnaire, Déo Mutombo était subordonné non seulement au directeur général de la politique monétaire Jean Louis Kayembe wa Kayembe mais surtout au vice-gouverneur Jules Bondombe». «Comment expliquer qu’un simple directeur saute toutes ces étapes pour devenir gouverneur de la Banque centrale en l’absence d’une sélection des candidatures?» A en croire certaines «mauvaises langues», Mutombo n’était qu’un «caissier» dont le rôle se limitait «à effectuer des paiements au profit des barons du régime».

Quelles sont ses faiblesses ?

Il est assez difficile de trouver un agent de la BCC prêt à parier le moindre franc congolais sur les chances de réussite de leur nouveau patron. « Le nouveau gouverneur est un analphabète en matière monétaire», lance un journaliste économique joint à Kinshasa. Procès d’intention ? Le confrère s’en défend en soulignant que Mutombo «n’a jamais étudié ou travaillé sur les questions de politique monétaire et des relations internationales lesquelles constituent le cœur du travail de la Banque centrale». Selon cet interlocuteur, le nouveau promu doit ses promotions successives aux gouverneurs de la BCC d’origine katangaise. C’est le cas de Nyembo Shabani (son oncle) et de JC Masangu. Des voix s’élèvent aussitôt pour qualifier le nouveau « Gouv » de «pistonné». Selon les nombreux avis recueillis auprès de la BCC, «la nomination de Deo Mutombo éloigne tout espoir de renouveau à la BCC».


Le pacte «Joseph Kabila »-Balubakat

Entre «Joseph Kabila» et les Baluba du Katanga, c’est une longue histoire faite de connivence digne de ces pactes que seuls les mafiosi ont le secret. Né et grandi à l’étranger, «Joseph» a, pour la première fois, foulé le sol du pays qui s’appelait encore Zaïre en octobre 1996. C’était à l’occasion de la guerre de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre). C’est à partir du mois de mars 1997 que l’opinion nationale a entendu parler pour la première fois de l’existence d’un fils de LD Kabila prénommé
«Joseph». C’était lors de la prise de Kisangani par l’AFDL. Pour la petite histoire, LD Kabila appartient à l’ethnie Luba du Katanga par son père et Lunda ou Karund par sa mère. A Kisangani, des témoins assurent que «Joseph» se présentait comme étant le «commandant Hyppolite» ou «Hyppo». Il ne
«baragouinait» pas un seul mot de français. Pire, son swahili était "compliqué" par rapport au swahili local. Des faits qui ont poussé certains à mettre en doute sa filiation.

Après la prise du pouvoir par l’AFDL le 17 mai 1997, «Joseph» n’a jamais été présenté officiellement par LD Kabila comme son fils. Reste qu’il va assumer de hautes fonctions dans l’armée jusqu’à la mort mystérieuse de Mzee le 16 janvier 2001. Dès le lendemain, «Joseph» est désigné pour assurer la succession. Les Balubakats qui avaient damé les pions aux Tutsi ont compris ce qu’ils pouvaient gagner en offrant à cet «Ovni politique» non seulement un fief, le Katanga, mais aussi une certaine assise sociale. Le pouvoir d’Etat pourrait ainsi rester dans le giron lubakat.

C’est à la fin du mois de janvier 2005, à une année de l’élection présidentielle de 2006, que les Balubakat ont lancé leur "offensive" d’adoubement de "Joseph". Une manifestation est organisée dans la salle du Cinépolis à Kinshasa. Une dizaine de groupes folkloriques venus du Katanga ont animé la rencontre. Célestin Kabuya Lumuna Sando a, à cette occasion, clamé haut et fort l’«appartenance katangaise» de «Joseph Kabila». Pour que personne ne l’ignore, le professeur Kabuya a brandi l’arbre généalogique «attestant» ses dires. Fin février 2005, le Grand chef coutumier des Balubakat, Kasongo Nyembo, prend le relais en déclarant ces mots, après une audience auprès du vice-président de la République Abdoulaye Yerodia Ndombasi : «Le président Joseph Kabila est un Muluba du Katanga. Il est issu du clan Kabila. Ainsi sa nationalité ne peut faire l’objet d’un doute quelconque». «Le Grand chef coutumier Kasongo Nyembo, fort de sa conviction que le président Joseph Kabila est un Mulubakat incontestable, a promis au nom de tous les Balubakat le soutien au chef de l’Etat (…) », écrivait MMC, la branche rédactionnelle du site Digitalcongo.net, propriété de Jaynet Kabila. En octobre 2006, «Joseph» est «élu» président de la république face à Jean-Pierre Bemba Gombo.

Le 28 novembre 2011, l’homme sort à nouveau «victorieux» face à Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Le clan kabiliste s’arroge la majorité de sièges à l’Assemblée nationale. Les observateurs tant nationaux qu’internationaux dénoncent la tricherie et la fraude. Un homme était aux manettes à la Commission électorale nationale indépendante. Son nom : Daniel Mulunda Ngoy Nyanga. Attaqué de toutes parts, celui-ci s’est senti «lâché» par le «raïs» en dépit des «services rendus». Le 6 février dernier, Mulunda réunit des notables balubakat au bâtiment du 30 juin à Lubumbashi. Parlant en kiluba, il fustigea «l’ingratitude» du «président élu» qu’il accuse de n’avoir rien fait pour le Katanga en général et la partie boréale en particulier.

Informé par quelques participants, le président de l’association socio-culturelle «Buluba-I-Bukata» - laquelle regroupe les Balubakat -, Nday Ngoy Matembo, s’est empressé, de tancer Mulunda. Dans une lettre datée du 8 février 2013, il note : «(…), vous êtes un digne fils Luba, vous avez travaillé (…) pour conserver en famille le pouvoir suprême que Mzee Laurent-Désiré a conquis et légué à son fils biologique Joseph Kabila Kabange. (…), vous avez conduit le processus électoral à bon port en dépit de nombreuses difficultés rencontrées à la grande satisfaction de notre communauté de Buluba-i-Bukata à qui vous avez évité l’humiliation grâce à l’élection de Joseph Kabila Kabange. Le peuple luba tout entier vous restera à jamais reconnaissant.» Il tempête : «Le président Kabila est pour notre communauté une mine d’or très précieuse que nous devons tous protéger quelles que soient ses erreurs». Sans commentaires.

L’héritage de Masangu

Dans son bulletin daté du 6 mai dernier, l’Agence congolaise de presse publie un commentaire panégyrique sur les seize années de Masangu Mulongo à la tête de la BCC. L’ACP note que lors de sa nomination en mai 1997, Masangu a trouvé la Banque centrale «très malade». Question : dans quel état laisse-t-il l’institution d’émission ? L’ACP de répondre : «La République Démocratique du Congo est fière d’avoir une Banque nationale digne de son nom, réorganisée et restructurée, bien équipée et répondant aux standards internationaux». «En effet, en 2012, poursuit-elle, le pays a enregistré un taux de croissance de 7,2 %, une monnaie nationale stable et des réserves de change de plus en plus importantes et un taux d’inflation de 3 %, un des plus bas de notre histoire, un objectif atteint par la Banque centrale du Congo d’avoir en RDC un taux d’inflation à un seul chiffre».

Les «partisans» de «Jean-Claude» clament la main sur le cœur que ce n’est pas la monnaie qui fait l’économie, mais le contraire. Pour eux, le lancement du franc congolais n’a pas été accompagné par des réformes économiques de nature à redonner la confiance aux investisseurs. Les gouvernants ont traîné les pieds à mettre sur pied un «cadre juridique» susceptible de renforcer la sécurité juridique et judiciaire. Il en est de même d’un cadre «fiscal». «La plus grande réalisation du gouverneur Masangu, commente un ancien cadre de la BCC, se situe au niveau de la modernisation de l’outil du travail. Tous les services ont été informatisés.»

Reste que lors du lancement du franc en juin 1998, la ménagère congolaise devait se délester de 1,43 Fc pour acheter le dollar américain. L’euphorie n’a pas duré. La monnaie a connu une véritable érosion. En dépit de cette évidence, Masangu est resté imperturbable. Droit dans ses bottes. «Jamais, peut-être depuis l’indépendance notre monnaie n’avait connu une si longue période de stabilité. Elle se maintient à présent dans une fourchette entre 420 et 430 francs pour 1 $ US», déclarait-il dans une interview à J.A. n°2220 datée du 27 juillet 2003. Autisme ? En 2008, la parité est passée à 1 $ US contre 560 à 600 francs. Le 16 mai 2013, le même billet vert était échangé contre 918,6073 Fc.

Sans vouloir tirer sur l’ambulance, force est de relever que l’Histoire retiendra de Masangu une "gestion chaotique" du monde bancaire congolais. «L’ex-Union zaïroise de Banque, UZB, a été absorbée par un nouvel établissement dénommé Union congolaise de Banque, UCB, et pourtant c’est le trésor public qui a pris à sa charge le passif de l’UZB», fait remarquer un expert. Celui-ci de souligner qu’aucun organe de contrôle ne peut jeter un oeil dans les livres de l’UCB. D’aucuns reprochent au «gouverneur sorti» d’avoir donné son «feu vert» à l’agrément de plusieurs banques privées lesquelles se livreraient au blanchiment d’argent. C’est fut, semble-t-il, le cas de la défunte Banque congolaise d’Alfred Yaghi.

D’autre part, Masangu s’est rendu «coupable» de conflits d’intérêts. A titre illustratif, par acte de vente sans date, le liquidateur de l’ex-Nouvelle Banque de Kinshasa (NBK), l’ingénieur Pepo Lebo, avait conclu un contrat de vente de la villa appartenant à cette banque avec Mademoiselle Patricia Masangu Mwamba, représentée par Maître Nicolas Mabeka ne Niku. Cet immeuble se trouve sur la route du Golf n°7480 à Lubumbashi. Prix de vente : 55.000 $ US que l’acheteur, alors étudiante, a payé «cash» au crédit du compte n°05101-0100191501-57 de l’ex-NBK ouvert à la Raw Bank à Kinshasa. Le liquidateur Mupepo Lebo était chargé de liquider l’ex-NBK sur la base de l’ordre de service n°156/04 du 13 octobre 2004 émis par …le gouverneur de la Banque centrale du Congo.

Inutile d’évoquer ce dossier judiciaire encore pendant devant les juridictions belges impliquant la Miba dirigée à l’époque par Jean-Charles Okoto et la BCC dans une affaire de blanchiment et de détournement d’argent. Montant : 80 millions $ US. En quelques mots, en janvier 2003, le Congo démocratique veut acheter des armes auprès des firmes ukrainienne et tchèque. Montant payé : 20 millions $ US via un compte de la Miba à la BCC à Bruxelles. C’est ici que les Nations Unies dénoncent des « mouvements de fonds suspects » à la CTIF (Cellule de traitement des informations financières) qui saisit le parquet de Bruxelles. Le reste de cette rondelette somme prendra une destination connue de Masangu et Okoto.

Rappelons que les Maï Maï Ba Kata Katanga, interrogés par des activistes de la société civile du Katanga, en mars dernier, assurent que le gouverneur JC Masangu était leur «financier». Tandis que John Numbi Banza Tambo leur fournissait des armes. Etrangement, les autorités judiciaires n’ont pas jugé utile d’ouvrir une enquête sur l’enquête des Ong. Le procureur général de la République, Flory Kabange Numbi, est un Mulubakat. «L’objectif poursuivi par des notables balubakat est d’exercer un certain chantage sur «Joseph Kabila», confie un confrère basé à Lubumbashi. En fait, les deux «camps» se tiennent par la barbichette. Qui rira le premier?

Le remplacement d’un Mulubakat par un autre à la BCC vise-t-il à dissimuler les "cadavres" laissés dans les placards au bout des 16 années de gestion solitaire par Masangu? Déogracias Mutombo Mwana Nyembo pourra-t-il réformer la BCC là où Jean-Claude Masangu Mulongo s’est cassé les dents avec un certain "talent"?

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant