Des réfugiés ayant fui les combats entre l'armée congolaise et les rebelles du M23. © AFP Pour beaucoup de réfugiés qui ont dû à nouveau fuir en Ouganda les combats dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), la reprise par l'armée régulière de la quasi totalité des localités occupées par les rebelles du M23 ne change pas grand-chose.
"Lorsque le M23 était là, nous étions sous l'autorité d'une rébellion, les gens se lamentaient, ce n'était pas la paix. Le gouvernement est revenu, mais rien n'a changé, car nous sommes de nouveau réfugiés ici", déplore Jean-Népomuscène Twizerimana. Avec d'autres réfugiés entourés de vaches, il est installé sous des eucalyptus au bord de la route, à moins d'un kilomètre de la RDC, dans la localité ougandaise de Bunagana, jumelle de la ville congolaise du même nom, située juste de l'autre côté de la frontière.
Comme des milliers d'autres Congolais, ce jeune homme de 20 ans qui vient de Jomba, une localité proche de Bunagana, dernier bastion de la rébellion pris mercredi par l'armée congolaise, a fui en Ouganda les combats opposant armée régulière et rebelles du M23. Depuis mercredi, les combattants du M23, dont le nombre est estimé entre 200 et 300 par des sources militaires, se sont retranchés sur les collines avoisinantes à quelque 2.000 mètres d’altitude. Dimanche, l'armée congolaise a lancé une nouvelle offensive pour les déloger.
Jean-Népomuscène raconte être parti sans rien emporter et explique ne pas savoir où se trouvent les autres membres de sa famille. Ce n'est pas la première fois que le jeune homme prend la fuite. Sa famille s’était déjà réfugiée en Ouganda en 1998 lors des affrontements entre la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et la milice hutu des FDLR. Puis en 2005, lors de combats opposant l'armée régulière et la rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et enfin l'an dernier lorsque le M23 s'était emparé de la zone frontalière avec l'Ouganda.
Départs précipités
De larges cicatrices barrent son front : "La dernière fois que je me suis réfugié ici, j'ai eu un accident. J'ai été renversé par une voiture alors que je marchais avec d’autres réfugiés au bord de cette même route". A quelques mètres de là, dans un terrain vague, des centaines de Congolais ont également trouvé refuge. Les familles tentent de se protéger de la pluie avec de simples bâches en plastique et trébuchent dans la boue.
Parmi elles, Noella Bigumashyaka, une enseignante de 26 ans. Elle aussi vient de Jomba et est arrivée en Ouganda mercredi. "Je suis avec deux de mes enfants, je ne sais pas où sont les deux autres de 8 et 5 ans," se lamente-t-elle en se frottant les mains sur son boubou. "Ca tirait beaucoup, nous sommes partis trop vite. Nous avons dû lâcher nos habits en route. On est sale et on ne peut pas se changer".
A côté d'elle, une femme tente de réchauffer un bébé aux vêtements trempés par la pluie près d'une marmite de haricots. La fumée du bois de chauffage brûle les yeux de l'enfant et fait couler de grosses larmes sur ses joues. Selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) plus de 10.000 Congolais ont fui en Ouganda depuis le début de la semaine.
Noella Bigumashyaka a abandonné tous ses biens. "Mes champs de haricots ont été détruits par les bombes", explique la jeune femme dont la vie a également été ponctuée d'allers-retours incessants à cause des combats.
En attente du retour
"Ma mère a été tuée en 1996 alors que nous fuyions" pendant la première guerre du Congo, raconte-t-elle. La bâche qu'elle utilise pour se protéger des intempérie lui a été donnée par la Croix-Rouge la dernière fois qu’elle et sa famille se sont trouvées jetées sur les routes. "Ici, nous devons puiser de l'eau stagnante pour nous laver ou faire la lessive", explique-t-elle en désignant deux larges flaques d'eau marron. "Parfois, quelques hommes forts traversent au Congo pour aller très rapidement chercher de l'eau à boire".
Comme beaucoup de réfugiés, elle n'ira pas dans le centre de transit situé à 22 km de là. "Nous n'avons pas de véhicule pour nous y emmener", explique-t-elle. "En plus, on ne sait pas si une fois arrivés là-bas, ils ne vont pas nous déplacer plus loin dans d'autres camps de réfugiés", ajoute-t-elle. Alors, Noella Bigumashyaka attend, le regard rivé sur les collines côté congolais, dans l'espoir de pouvoir une nouvelle fois rentrer chez elle et tout recommencer.
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